menu Menu
place 9 Boulevard de l'Europe - 91000 EVRY
Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Le COVID-19 : cas de force majeure justifiant la rupture anticipée d'un CDD ?

Le COVID-19 : cas de force majeure justifiant la rupture anticipée d'un CDD ?

Le 20 avril 2020
Selon la presse, Disney aurait licencié plus de 1000 salariés en contrat à durée déterminée, sur le fondement de la force majeure. Alors, qu’en est-il sur le plan juridique ?

Le 28 février 2020, Monsieur Bruno LE MAIRE, Ministre de l’économie et des finances, soutenait que le COVID-19 sera considéré comme un cas de force majeure pour les entreprises, notamment au regard des marchés publics de l’Etat.

Néanmoins, selon le principe de la séparation des pouvoirs (article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen), les considérations du pouvoir exécutif ne sauraient s’imposer au pouvoir judiciaire.

Selon la presse, Disney aurait licencié plus de 1000 salariés en contrat à durée déterminée, sur le fondement de la force majeure.

Alors, qu’en est-il sur le plan juridique ? L’employeur peut-il mettre fin aux contrats à durée déterminée, en invoquant la force majeure, fondée ici sur le COVID-19 ?

Il n’existe pas de réponse toute faite. Il conviendrait alors de raisonner en se fondant sur la définition même de la notion de « force majeure ».

L’article L.1243-1 du Code du travail prévoit que le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant son terme, en cas de « force majeure ». Cette notion n’est pas définie dans cet article.

Pour la définition, nous pouvons nous reporter à l’article L.1218 du Code civil. En effet, un contrat de travail à durée déterminée demeure avant tout un contrat, et donc ce texte y trouve son application.

Cet article dispose :

            « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.

Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »

Cette définition reprend les critères prétoriens : pour être qualifié de force majeure, l’évènement doit être, cumulativement, extérieur, imprévisible et irrésistible. (Le critère d’extériorité étant abandonné par la jurisprudence).

Le Covid-19 revêt-il le caractère de l’imprévisibilité ? La question à cette réponse dépend du moment où le contrat à durée déterminée a été conclu.

Si le contrat a été conclu à une date à laquelle les conséquences du Covid-19 sur l’exécution du contrat de travail auraient pu être envisagées, le critère imprévisible de l’évènement ne saurait être retenu. Tout le débat sera porté alors sur cette date : à partir de quelle date un employeur aurait pu prévoir les conséquences du Covid-19 sur les contrats de travail à durée déterminée ?

A partir de quelle date aurait-il pu prévoir le confinement, et donc, la probabilité que le contrat ne puisse être exécuté ?

Par exemple, si le contrat a été conclu le 13 mars 2020, alors que Disney annonçait la fermeture de son parc par mesure de précaution, à compter du 15 mars, le caractère imprévisible du Covid-19 est alors discutable.

 

Le Covid-19 revêt-il le caractère d’irrésistibilité ? Autrement dit, est-il insurmontable dans ses effets ? L’empêchement d’exécuter le contrat est-il temporaire ou définitif ?

Là encore, la réponse dépend du type de contrat à durée déterminée et de sa durée.

Si, par exemple, le contrat a été conclu pour un spectacle déterminé, qui n’a pas eu lieu/n’aura pas lieu, l’employeur pourrait considérer que les effets du Covid-19 sur le contrat sont insurmontables. Il pourrait en ce sens, soutenir que l’empêchement d’exécuter le contrat est définitif puisque le spectacle, objet du contrat, ne pourra jamais être réalisé.

Si, en revanche, le contrat à durée déterminée est conclu sur un poste donné, pour une longue durée, et que l’empêchement d’exécuter le contrat est simplement temporaire, le critère d’irrésistibilité ne saurait être retenu.

Cette hypothèse peut être retenue dans la mesure où les contrats de travail à durée déterminé peuvent entrer dans le dispositif de l’activité partielle, dont l’accès a été d’ailleurs facilité par le décret du 26 mars 2020 et de l’ordonnance du 28 mars 2020, faisant suite à la loi du 23 mars 2020 sur l’état d’urgence sanitaire.

Le critère de l’irrésistibilité de l’évènement ne peut donc être retenu, dès lors que le dispositif de l’activité partielle a été mise en place pour, très justement, éviter les ruptures.

En somme, dans cette hypothèse, il est risqué, selon les contrats et les circonstances de l’espèce, de fonder les ruptures anticipées des contrats de travail à durée déterminée sur le cas de la force majeure.

Toutefois, le Covid-19 n’ayant pas encore fait l’objet de jurisprudence en droit du travail, à ce jour, le sujet demeure un sujet de débat…

close
expand_less